Muteen n°74 : La simulation

 

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D’après la dernière étude réalisée sur la sexualité des français par l’Inserm, 11% des 18-24 ans déclareraient avoir “souvent” du mal à atteindre l’orgasme. Et pour 22% d’entre elles, l’ascenseur s’arrêterait “parfois” avant le 7ème ciel. Bref, le sexe, ce n’est pas comme le distributeur de canettes, on ne gagne pas à tous les coups. D’où le recours à des subterfuges auditifs pour épargner à son partenaire des doutes sur son mojo ou éviter une discussion sur le pourquoi du comment. Voire pour faire venir l’orgasme façon méthode Coué. Des entorses qu’Annabelle, 22 ans, s’autorise sans aucun état d’âme : ” Certains jours, je sens que ça ne va pas venir. Je pense à autre chose, je ne suis pas vraiment là et, pourtant, c’est bien, mon chéri fait tout ce qu’il faut mais niet, nada, pas la peine d’insister. Alors oui, il m’arrive de simuler pour qu’il prenne son pied sans états d’âmes et qu’il ne stresse pas pour rien vu que la mécanique féminine est ainsi faite. “

D’après Milene Leroy, sexologue, rien de dramatique : ” Vivre une sexualité épanouie, c’est aussi savoir dépasser les déconvenues qui amènent parfois à simuler le plaisir. Et je ne pourrais qu’encourager Annabelle à évoquer avec son partenaire le fait que l’orgasme féminin n’est pas uniquement dû aux prouesses érotiques de l’homme : le meilleur amant du monde ne saurait combler une femme qui a tout simplement la tête ailleurs… “

Prix d’interprétation féminine :

Il y a aussi celles qui n’auraient jamais recours à ce subterfuge, comme nous le confie Aïssa, 20 ans, qui a tout simplement peur de se faire choper ! ” Je suis comme toutes les nanas : parfois, la perspective d’un calin me fait autant envie qu’une séance d’abdos-fessiers. Parce que je suis fatiguée, que je me lève tôt, que je suis contrariée… Bref, les bonnes raisons ne manquent pas. Honnêtement, si j’étais sûre de ne pas être démasquée, je simulerais, histoire d’avoir la paix. Je comprends les filles qui bluffent, vu comment les garçons sont susceptibles sur la question du sexe. C’est une solution comme une autre pour protéger son histoire d’amour ! “

Selon notre spécialiste, tout est question de mesure : ” Si c’est pour encourager son partenaire et que cela n’empêche pas d’éprouver ses propres sensations, pourquoi pas ? Simuler n’est pas forcément tromper, cela peut tout de même devenir un jeu permettant de stimuler sa propre excitation et/ou celle de son partenaire. Du coup, le désir s’installe et le plaisir n’est plus très loin… “

Trop occupée pour jouir :

Mais là où les choses se corsent, c’est quand on se met à simuler par habitude, comme le raconte Elodie, 19 ans : “Depuis quelque temps, ça ne faisait plus vraiment tilt niveau câlins. Comme jusque-là tout se passait vraiment très bien côté sexe, la première fois que j’ai senti que je ne partais pas, j’ai simulé pour qu’il ne se sente pas responsable. La deuxième fois parce que j’avais honte de moi. La troisième parce que je ne voyais pas tout lui expliquer depuis le début…Six mois que ça dure et à présent, je suis tellement dans le rôle que je me concentre plus sur l’impression que je dois lui donner que sur mes sensations. Et puis avouer à un garçon qu’on a pas pris son pied avec lui depuis le déluge, c’est le castrer direct, non ? “

Pour Milene Leroy, ” rien d’étonnant au témoignage d’Elodie : simuler traduit souvent un manque de communication qui se mêle ici à la peur de perdre l’autre. Car, quand on est bien installé dans l’illusion d’un épanouissement de couples, il n’est pas toujours facile de revenir en arrière… Elodie perd de vue sa jouissance, mais l’important semble de lui rappeler qu’un rapport réussi n’est pas forcément synonyme d’orgasme et que l’on peut prendre du plaisir par des caresses, des baisers plus profonds ou des regards plus explicites. La jouissance reviendra quand elle cessera de se focaliser sur elle. “

Eux aussi :

L’enquête de l’Inserm nous donne à cogiter sur d’autres données très troublantes : si 47% des hommes affirment toujours parvenir à l’orgasme lors d’un rapport sexuel, les autres ont parfois des pannes de plaisir. Jusqu’à 3% des sondés ont même avoué ne jamais y parvenir… Car, attention les filles, ce n’est pas parce qu’un garçon a une érection et éjacule qu’il a forcément décollé ! Moralité, les simulateurs son parmi nous et Marie, 23 ans, les a rencontrés : ” Ca fait 3 ans que je sors avec Guillaume et je ne m’étais jamais doutée de rien. Voilà qu’un soir, après avoir fait l’amour, il craque et m’avoue qu’il simule une fois sur deux. Une fille qui déballe ça, on la plaint, un garçon, on se demande s’il plaisante ! Et on fait comme les mecs, on demande si c’est parce qu’on n’est jamais assez ceci ou trop cela. J’ai posé la question à des garçons de mon entourage et, visiblement, c’est assez courant. Comme on ne sent pas forcément son partenaire éjaculer, surtout si il y a un préservatif, quelques gémissements, quelques soubresauts et, hop, on n’y voit que du feu !”

La sexologue confirme : “ Oui, les hommes peuvent aussi simuler. Cette mise en scène peut découler d’un problème d’anéjaculation, une absence d’éjaculation mais pas forcément de plaisir, qui entraîne l’homme à masquer la réalité car, psychologiquement, l’anéjaculation peut être vécue comme un déficit de virilité. Si cela devient trop fréquent, il peut d’ailleurs être intéressant d’en parler à un sexothérapeute. “

Sources : Article que vous pouvez retrouver dans ce magazine pp. 132-133

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