Quand l’emballement du sentiment amoureux initial se métamorphose, on se rend compte alors que ce qui est important pour nous n’est plus notre petite personne et le plaisir que nous tirons de notre partenaire, mais l’autre, devenu indispensable comme s’il détenait notre principe vital.

L’amour est une magie, quelque chose d’incongru qui surgit dans l’existence et qui est de l’ordre de l’inconscient. Une collision de deux êtres. Deux névroses proches qui s’unissent. Il n’a donc rien à voir avec la raison et la conscience. Mais cette irruption bouleverse tellement le sujet que celui-ci essaye de rétablir de la logique, du sens, afin d’être sûr qu’il n’est pas fou.

Quand on aime, on passe son temps à s’en défendre par préservation et à interroger l’autre pour déchiffrer la place que l’on occupe en lui, et, soi-même pour tenter vainement de comprendre la nature de nos sentiments. Cette façon que l’on a de réclamer des signes de son amour prouve que l’on aime.

Et puis il y a le corps. Un corps impatient, un corps qui attend l’aimé, qui réclame sa voix, son regard, sa présence. Point de raison encore, c’est de l’ordre du senti. C’est lui, c’est elle… « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : Parce ce que c’était lui/elle ; parce que c’était moi ». Michel de Montaigne a écrit cela, reléguant toutes les belles et intelligentes théories philosophiques sur l’amour par la manière particulière que nous avons, en la présence de l’autre, d’être réceptifs à ses gestes, sa chaleur, ses attitudes, ses expressions, son odeur, son grain de peau. Plus que la raison, ce serait donc notre corps qui nous renseignerait sur le sentiment d’amour. Le Senti.

Si un couple, même passionnément amoureux, voit son désir sexuel s’amenuiser au fil des années, c’est tout simplement parce qu’il ne fait pas assez l’amour… ou qu’il fait trop souvent l’amour… mais sans s’en rendre compte… la nuit… quand il dort, ensemble… On ne communique jamais autant que la nuit à travers nos inconscients qui se libèrent de toutes nos frustrations et de toutes nos rancœurs de notre éveil.

Le désir sexuel peut donc s’amenuiser par l’abandon du corps à l’esprit, mais le désir du sommeil partagé lui ne peut s’amenuiser quand on aime… Par contre, au fil du temps la frustration sexuelle peut atteindre l’amour en prenant le chemin de l’esprit celles des rancœurs, frustrations ou autres blessures narcissiques.

Aimer, c’est rechercher l’autre, puisque lui seul nous permet de nous sentir complet. Ce plaisir d’être complet, c’est toujours narcisse. Ce que l’on recherche dans l’amour, c’est quelque chose qui nous manque sans que l’on sache ce qui nous manque. Mais l’autre, par sa seule présence, a ce don de nous apporter une plénitude qui nous rend léger, transporté, aérien.

Le destin de l’être humain est de vivre dans un manque existentiel impossible à combler, une angoisse flottante, et pourtant, aimer, c’est, malgré tout, demander à l’autre quelque chose qu’il n’a pas, mais que sa présence vient combler quand même. Lacan disait : “Aimer, c’est donner ce que l’on n’a pas, à quelqu’un qui n’en veut pas” »

L’amour est peut-être l’équivalent d’un acte manqué, au sens où on peut vivre cinq ans, dix ans ou toute une vie sans jamais l’interroger, sans jamais l’accepter. C’est le corps amoureux et le couple amoureux qui sauvent l’esprit, pas l’esprit.

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