Qu’appelle-t-on le « viagra féminin » ? Est-il utile ? Milène Leroy, sexologue, nous explique.

« VIAGRA FÉMININ » : QU’EST CE QUE C’EST ?

Le 18 août 2015, les autorités médicales américaines ont validé l’autorisation de mise sur le marché de ce médicament. Son véritable nom est Flibanserin®. Il est conçu pour traiter les troubles du désir chez les femmes pré-ménopausées. Des recherches sur la manière d’accentuer l’appétit sexuel féminin sont menées depuis plusieurs années suite à diverses études médicales montrant que 40% des femmes non ménopausées présenteraient, à différents degrés, une hypoactivité sexuelle sans que cela n’ait de lien avec une interaction médicamenteuse, un trouble psychologique et/ou biologique.

Agir sur les neurorécepteurs ouvrirait donc le champ des possibles pour ces femmes qui ne souffrent d’aucun mal si ce n’est de ne pas correspondre à ce qu’on peut attendre d’elles sur le plan de la sexualité.

La pré-ménopause est une période qui se caractérise, pour un panel de femmes, par une absence récurrente ou permanente de désir pour l’activité sexuelle. Il s’agit d’augmenter les afflux de dopamine et de noradrénaline (des excitants) et de diminuer celui de sérotonine (qui freine les pulsions sexuelles).

Sa délivrance se fera sous de strictes conditions en raison des nombreux effets secondaires possibles (les nausées, la somnolence, les évanouissements et les chutes de tension artérielle) qui semblent être accentués par l’alcool et certains médicaments comme la pilule contraceptive et le fluconazole, (utilisé dans le traitement des mycoses vaginales).

Cette pilule tant convoitée ne sera pas unique sur le marché des aphrodisiaques féminins chimiques. D’autres substituts pour booster l’envie sexuelle font l’objet d’essais cliniques comme le Lorexys, le Lybrido et le Lybridos mais ils ne sont pas encore commercialisés.

ATTENTION AUX AMALGAMES !

Ce surnom largement diffusé dans les médias prête à confusion. En effet, le “Viagra” féminin ne traite pas le même trouble que le véritable Viagra® masculin. La pilule bleue résout, dans certains cas, les problèmes d’érections, alors que la pilule rose s’attaque à la baisse du désir féminin. On retrouve respectivement un dysfonctionnement physiologique de la circulation sanguine vers le pénis qui demande une prise ponctuelle du médicament versus un problème souvent contextuel qu’est la baisse de la libido et qui demande un traitement journalier destiné à retrouver une avidité érotique (les effets réels seraient visibles au bout de 4 mois).

DES EFFETS PEU CONVAINCANTS

Le Flibanserin® n’a pas d’effet magique. Sur 1 323 femmes, les tests ont révélés 4,4 expériences sexuelles satisfaisantes en un mois, contre 3,7 dans le groupe sous placebo. Sachant que le niveau global avant l’étude était de 2,7. Pas de quoi s’extasier sur ces résultats d’autant qu’on peut imaginer un déclenchement d’élans supplémentaires dû à l’entrain, l’investissement pour cette enquête… “J’y pense donc je cultive mon intérêt”.

UNE ABSENCE DE DÉSIR… MAIS QUELLE EST LA VÉRITABLE SOURCE DE DÉTRESSE ?

En consultation, il n’est pas rare d’observer que le réel souci n’est pas purement sexuel. Il est majoritairement une des conséquences. Ce manque d’impulsion pour le coït est surtout en lien avec la routine, le désintérêt, le désamour, les problématiques annexes comme le travail, les enfants ou encore la santé… La question est de savoir si vous souhaitez opter pour le problème de fond ?

L’hypoactivité sexuelle est au carrefour d’une multitude de facteurs qu’il serait bon d’évaluer lors d’une sexothérapie afin de traiter la cause évidente de ce rejet plutôt que de panser faussement les plaies pour mieux cacher la réalité. La prise en charge peut être longue, complexe mais elle peut aussi s’avérer plus accommodante que dans les fantasmes des couples n’osant pas franchir le cap. Beaucoup de croyances, d’idées reçues, de tabous, de gênes inhibent l’accès aux rendez-vous avec un thérapeute. Pourtant, la parole libère et dédramatise une situation qui peut aussi se débloquer par la simple compréhension d’un mauvais fonctionnement au sein du duo.

Un couple réellement motivé par la démarche saura prendre le temps du (re)questionnement pour bénéficier d’un vrai potentiel de retrouvailles sensuelles. Tout comme chez les hommes, cette béquille chimique risque, chez les femmes, de n’être qu’un artifice qui ne résoudra aucunement la source de conflit(s) identifiée (ou à identifier) tout en faisant subir aux femmes de nombreux désagréments à l’issue de leur absorption. Êtes-vous vraiment prêtes à courir ce risque ?