Quand l’exhibition devient-elle un comportement pathologique, une perversion ? La sexologue Milène Leroy nous en dit plus sur cette pratique.

UN FANTASME FÉMININ OU MASCULIN ?

Les fantasmes sont difficilement mesurables mais dans la réalité, ce sont plutôt les hommes jeunes qui s’exhibent. Partiellement (spécifiquement leur génitalité) ou totalement. Pour les cas rares de femmes connus en pénal, il s’agit plutôt d’une exhibition des seins. Mais cette exhibition féminine va, en général, susciter l’attirance et la fascination plutôt que le rejet.

EST-CE UN COMPORTEMENT PATHOLOGIQUE ?

L’exhibitionnisme est une perversion lorsqu’elle devient un comportement exclusif, c’est-à-dire à partir du moment où la personne ne se satisfait plus que du plaisir qu’elle a d’exposer la vision de son sexe ou de son corps sexué quand elle le décide et à l’encontre d’autrui.

Il est pathologique par les rituels qu’il constitue :

– A travers le fait de montrer. Les variantes peuvent passer du sexe flaccide à celui en érection avec masturbation et éjaculation.

– A travers l’éveil du regard de l’autre : son excitation sera d’autant moins forte qu’on l’ignore… il ne cherche pas à agresser mais à capter le regard d’autrui qui lui renvoie le côté pulsionnel de l’acte, fond du problème chez lui.

– A travers un cadre précis qu’il définit à l’avance : le lieu (fréquenté ou isolé…), le moment (matin, soir…), le moyen utilisé (souvent un vêtement facilitant la vue, une serviette…) qui lui permet de garder l’effet de surprise, ce qu’il veut et devant qui il souhaite se dévoiler pour rester maître du moment.

– A travers sa victime, souvent une femme (75%), un enfant ou encore un homme.

– A travers le témoin (essentiel pour l’exhibitionniste pénal), à qui s’adresse le pervers. Il y a parfois une défiance, une montée en puissance dans la régularité afin d’être arrêté, unique moyen pour lui de mettre un terme à cette atteinte aux moeurs.

QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES FORMES D’EXHIBITIONNISME ?

Il y a deux grandes catégories d’exhibitionnisme :

Le dit “anonyme” : c’est le plus fréquent. L’individu s’expose de manière furtive pour satisfaire son désir.

Le dit “pénal” : la personne retire une satisfaction supplémentaire à se faire arrêter et à en subir les peines.

Plus spécifiquement, on parle :

d’exhibition indirecte (la personne envoie des photos de nu où le sexe est visible par courrier ou par annonce)

d’exhibition par procuration (il y a une production de photos intimes de soi ou de son partenaire afin de les faire circuler sur internet et sur les portables…)

d’exhibition des ébats amoureux (les amants ont des rapports sexuels dans des lieux publics : plage, parking…)

d’exhibition face à ses propres enfants (sous forme de libéralisme)

INTERNET A-T-IL PROVOQUÉ UNE EXPLOSION DES COMPORTEMENTS EXHIBITIONNISTES ?

Les nouveaux moyens de communication facilitent les défis à la pudeur, ce comportement devient plus visible.

Internet a favorisé les rencontres sexuelles ou amoureuses, webcams, géolocalisation via Tinder, Grindr… permettant d’entreprendre rapidement une certaine exhibition corporelle et/ou sexuelle. Dans des conditions où le sexe est énoncé comme premier centre d’intérêt, se dévoiler semble en adéquation avec le but recherché.

Si dans l’envie de se dénuder, il n’y a pas le besoin de surprendre ou de faire subir, il s’agit d’exhibition non pathologique. Elle le devient uniquement si l’autre n’a pas été averti.

QUE SE CACHE-T’IL DERRIÈRE CE DÉSIR DE MONTRER DE NOUS-MÊMES CE QUE PERSONNE NE DEVRAIT VOIR ?

L’excitation sexuelle génitale est la recherche spécifique attendue.

Pour l’exhibitionniste pervers qui n’a érotisé que cette pulsion tout comme pour celui qui aime se dévoiler à l’insu de l’autre de manière moins obsessionnelle, il s’agit de surprendre, d’éveiller la stupeur, de se situer entre la réalité et l’imaginaire, d’exercer chez autrui l’effet pulsionnel qu’il a en lui.