Les sex-selfies : dans la tendance sexuelle des Français en 2015.

RAPPEL À PROPOS DES SELFIES

Le selfie est une invention récente. Il s’agit, comme vous le savez tous aujourd’hui, de se prendre en photo soi-même. L’intérêt premier étant d’envisager des clichés dans des endroits et dans des positions de plus en plus incongrues, de valoriser des détails, de communiquer sur l’instant, de rajouter une touche d’humour… libre et détaché de l’œil externe du photographe. L’apparition des selfies après l’amour est une des dernières vagues de cette tendance.

UN PARTAGE MAITRISÉ

L’aftersex qui nous vient des pays anglo-saxons est une des activités favorites des férus d’Instagram et autres communautés du net. (Se) Déballer sur les réseaux sociaux démontre l’omniprésence de la culture du web alimentée par l’hyper-réalité du sexe.Tout doit devenir visible, l’intimité même n’a plus de valeur ni de sens.

Ces aftersex orchestrés ne représentent évidemment pas l’exactitude de la sexualité des couples actuels. Ce qui est recherché n’est pas la sincérité d’un instant, c’est la création de ce que l’on veut dégager qui importe. Épuisés, apaisés, étonnés… un panel de situations plus ou moins cocasses font la fierté de ces techniciens et le bonheur des curieux !

L’ÈRE DU PARAITRE

Il est clair que l’ostentatoire perd de son charme quand il est imposé sans pudeur mais son avantage est d’avoir contribué à rendre le sexe récréatif, “normal” et (apparemment) épanouissant. Il n’en reste pas moins que ces images contrôlées amoindrissent le potentiel sensuel, sombre, exaltant, décevant, troublant… de l’érotisme. Moins de mystère donne moins de goût.

Pour ceux qui ont éprouvé du plaisir, ces photos anéantissent l’idée d’une totale connexion à sa/son partenaire. Penser à se photographier après un moment si spécifique parait antinomique à la véritable jouissance. Sont-ils déjà vraiment présents pendant l’acte sexuel ?

La réelle pertinence de ces selfies reste la construction plus ou moins inventive d’un état, d’un comportement. On montre ce que l’on aimerait être plutôt que ce que l’on est. Ces traces semées sont des broderies qui réparent, rassurent les acteurs. Mais les retours se moquent de cela. “Vous donnez sans filet, nous jugeons sans limite”. Le net est un outil magique mais aussi une jungle destructrice. Faire le choix d’étaler au grand public n’est pas sans conséquence.

LE SELFIE : QUEL BUT ?

Un rapport sexuel est intense, rapide, long, agréable, léger, fun, acrobatique, amoureux… Bref, il inspire à chacun des émotions tellement subjectives qu’il semble complexe de pouvoir les retranscrire aux internautes. Alors pourquoi faire immiscer l’univers dans votre lit ?

La nudité, le charnel alimentent habituellement le jardin secret. C’est le terrain de jeu caché qui permet d’être délivré des regards extérieurs. La fin du rapport sexuel (quel que soit le vécu) est tout aussi précieuse que les prémisses ou la fusion de celui-ci. Corps et esprits sont encore empreints de flashs, de couleurs, d’odeurs, de saveurs… créant à chaque fois l’unicité impalpable du moment. La tendresse, les regards, les mots qui suivent offrent la complicité, renforcent le lien, renouent les cœurs blessés… Le naturel, la lâcher-prise, l’imprévu, le sale, le décoiffé… devraient alors prendre le dessus sur le calcul et le cadre.

L’aftersex peut être furtif, doux, triste, drôle… mais son exposition, – même si elle a l’effet positif de banaliser le coït quelque soient les corps et les sensations associées -, a tendance à le rendre moins croustillant voire anxiogène. Il faut être beau/belle, frais/che, brushé(e), innovant(e), réactif/(ve) sous peine d’être tagués de médiocre. Le bien-être a t-il réellement besoin d’être affiché ? Ce courant exhibitionnisme attend le regard de l’autre pour exister. Blessure narcissique ? Problème d’égo ? Réassurance ? Le terrain de jeu érotique est suffisamment vaste et riche pour que ces instants soient détachés de toutes normes et conventions. Pourquoi rajouter de la lourdeur, un culte de l’apparence dans un contexte qui est sensé protéger de cet envahissement perpétuel ? Il semble que cela soit surtout en lien avec l’habitude de ces (jeunes) cybernautes d’exposer sans retenue. Attention à l’indigestion…